Histoire d’une de plus anciennes régions viticoles du monde. 

By : octobre 1st, 2020 Gastronomie, Histoires et légendes, Lieux et Monuments 0 Comments

La vigne est cultivée ici depuis les temps anciens. Les Romains, durant leur longue occupation de la péninsule ibérique, élaborent du vin le long des rives escarpées du fleuve Douro. Puis, avec la naissance du Royaume du Portugal au XIIe siècle, le pays devient un grand exportateur de vins. Mais ce n’est qu’à partir du milieu du XVIIe siècle que la vallée du Douro commence à produire le vin de Porto que nous connaissons aujourd’hui.

Les jalons nécessaires à son émergence sont posés quatre siècles plus tôt, en 1386. C’est alors que l’Angleterre et le Portugal signent un traité d’alliance et de commerce (le Traité de Windsor) qui verra la vallée du Douro asseoir sa réputation en tant que premier producteur mondial du vin de Porto, un grand classique en devenir.

De nombreux marchands anglais, bénéficiant de privilèges spéciaux en vertu du traité, viennent s’installer définitivement au Portugal. Si bien que dès la seconde moitié du XVe siècle, une quantité importante de vin portugais est exportée vers les îles britanniques.

En 1654, suite à la signature d’un nouveau traité leur octroyant un traitement non moins favorable, les marchands anglais et écossais expatriés se lancent dans l’import/export entre le Portugal et l’Angleterre. Depuis les îles britanniques, ces derniers importent de la laine, des textiles en coton et de la morue salée (appelée « bacalhau » au Portugal). En retour, ils exportent des produits agroalimentaires portugais, dont notamment le « Red Portugal », un vin rouge, léger et aigrelet issu de la région côtière du Minho. 

Quelques années plus tard, un enchaînement d’événements va concourir à accélérer les exportations du vin portugais vers l’Angleterre.

En 1667, Colbert, premier ministre du Roi Louis XIV, lance une série de mesures visant à freiner les importations françaises de denrées venant de l’Angleterre. En représailles, le Roi Charles II d’Angleterre interdit l’importation de vins français. Les négociants anglais en vin doivent donc trouver d’autres sources d’approvisionnement. 

C’est alors qu’ils se tournent vers les vins amples et plus corsés issus de la région chaude et aride de l’intérieur de pays : les pentes reculées du Haut Douro, protégées des vents humides de l’ouest venant de l’Atlantique qui déversent leurs pluies sur les vignobles côtiers du Minho.

Or, la grande distance à parcourir en  terrain montagneux rend impossible le transport du vin par voie terrestre jusqu’à Viana do Castelo. Aussi les vins sont-ils acheminés par barque, via la rivière Douro, jusqu’à la cité de Porto, grande ville marchande située à quelques kilomètres de l’embouchure du fleuve. C’est donc ici que les marchands de Viana do Castelo vont se réinstaller dès les années 1710, établissant leurs chais (« lodges » en anglais) à Vila Nova de Gaia sur la rive sud du Douro, face à la vieille ville de Porto – là où leur activité se poursuit aujourd’hui.

Les vins prennent le nom du port à partir duquel ils sont exportés. Au Portugal, on les appelle Vinho do Porto : vin de Porto ou « Port » tout court en anglais. Les premières expéditions de vins connus sous ce nom sont attestées en 1678, bien qu’il ne s’agisse pas encore du porto tel que nous le connaissons aujourd’hui. 

Le XVIIIe siècle verra les expéditions de porto prendre leur essor à mesure que le vin rouge et opulent de la vallée du Douro gagne en popularité. Le Traité de Méthuen, signé en 1703 entre l’Angleterre et le Portugal, leur donnera un nouveau coup de pouce. Désormais les droits de douane perçus sur l’ensemble des vins portugais sont retranchés d’un tiers par rapport à ceux prélevés sur les vins français. La demande de porto ne cesse de croître, apportant prospérité tant aux producteurs de la Vallée du Douro qu’aux négociants anglais de la côte atlantique. Avec le temps, cependant, elle encourage la spéculation et la fraude, fléaux qui se développent dans les années 1750 face à la baisse brutale des expéditions.

C’est alors qu’entre en scène le Marquis de Pombal, premier ministre portugais, homme d’état influent et puissant qui lance une série de réformes draconiennes visant à réglementer le marché du porto. Dès 1756, le négoce passe sous le contrôle de l’Etat, qui en obtient le monopole du commerce avec l’Angleterre et le Brésil ainsi que de la production et du négoce du brandy utilisé pour le mutage. Dans la même année, la zone de production du Douro est officiellement délimitée par plus de trois cents bornes de granit appelées « marcos pombalinos ». En 1757, on établit la classification détaillée des vignes du Douro, répertoriant les différents crus selon la qualité et fixant les prix de leur production. Les meilleurs vins, appelés « vinhos de feitoria », ont le droit d’être expédiés pour répondre à la demande du marché britannique, alors que les vins de qualité plus modeste, les « vinhos de ramo », sont confinés au marché intérieur. Enfin, on s’attaque aux abus les plus fréquents, comme l’ajout de jus de sureau pour renforcer la couleur et déguiser les mauvais vins.

Un autre facteur non négligeable de ce renouveau est l’ouverture du Cachão da Valeira (Gorges de Valeira) en 1791. La destruction à l’explosif des énormes affleurements rocheux qui empêchaient la navigation en amont rend enfin possible l’implantation des vignobles dans la partie est de la vallée du Douro. Appelé le « Douro Novo » (nouveau Douro) avant de devenir le « Alto Douro » (Haut Douro), ce secteur accueillera certains des plus beaux domaines de la vallée, dont les vins prestigieux contribueront largement au rayonnement des vins de porto.

Le XIXe siècle s’annonce riche en défis, à commencer par La Guerre Péninsulaire et l’arrivée à Lisbonne des troupes napoléoniennes. Viennent ensuite plusieurs années de guerre civile opposant libéraux et absolutistes dans le cadre de la crise de succession au trône du Portugal. Si le négoce du porto est directement affecté par ces troubles, la fin de la guerre marque le début de son âge d’or. Dès les années 1830, en effet, l’engouement pour le vin de Porto n’est plus limité à l’Angleterre et au Brésil, ses marchés traditionnels, mais s’étend à des pays tels que la Russie, l’Allemagne, la Hollande, la Scandinavie et les Etats-Unis.

Le phylloxéra, qui serait arrivé dans la vallée du Douro dès 1868, sonne le glas de cet âge d’or. Minuscule puceron originaire d’Amérique du Nord, le phylloxéra s’attaque aux racines du cep, provoquant son dépérissement puis sa mort. Déjà responsable de la destruction d’une grande partie du vignoble français, il poursuit sa marche dévastatrice au Portugal. En cinq ans, le phylloxéra entraine la ruine de plusieurs des grandes propriétés du Douro. La chute de la production est brutale, les domaines sombrent dans la faillite les uns après les autres. Si le fléau est enfin vaincu, en greffant les vignes européennes sur des vignes américaines résistantes, les dégâts ne se comptent plus. Aujourd’hui encore les vestiges abandonnés de vieilles terrasses jamais replantées jonchent l’ensemble de la vallée du Douro.

Les années 1880 marquent le début de la reconstitution des vignobles, souvent à l’aide de nouveaux cépages et de nouvelles technologies. Le négoce du porto retrouve sa prospérité dès la fin du siècle, soutenu par des ventes qui se maintiendront pendant deux décennies. Cet investissement dans le vignoble se poursuit à ce jour, en mettant l’accent sur la durabilité économique et environnementale, enjeu crucial pour des producteurs soucieux de conserver l’héritage naturel et culturel de la vallée du Douro afin de pouvoir le léguer aux générations futures.

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